Ma rencontre avec le peintre Ostoya date des années 80 et j'ai toujours été séduit par ce que j'appellerai sa vision fragmentaire, son art de présenter des petits bouts d'univers qui valent pour le tout.
Il sait focaliser les impressions et les sensations du spectateur sur un point précis.
Comme un archéologue, il montre un modeste morceau de terrain qui se charge aussitôt de mystère et comme un photographe, il préfère zoomer sur une paroi et le détail suggère l’ensemble.
Ostoya est d'ailleurs pris en "flagrant délit" de fragmentation avec ses tableaux quadrillés !
Le paysage qu'il choisit devient un champ de tensions et d'événements, il introduit le mouvement dans la surface de la toile.
Le procédé est relativement simple mais c'est l'usage qui compte, et bien sûr, le résultat.
Ostoya s'en est d'abord servi pour marquer le temps : sa "Journée au plan de l'Aiguille" qui date de 1985 illustrait les changements de couleur et d'ombre tout au long d'une journée.
D'autres quadrillages montrent l'activité du regard en face d'un paysage. Le spectateur est pris au piège de la déconstruction, il n'en finit plus d'aller d'un carré à un autre, d'un détail à un autre, il bouge à l'intérieur du tableau et pour Ostoya c'est gagné.
Il pourrait aller encore plus loin, je pense, dans la recomposition du sujet, jusqu'à l'abstrait. Il est d'accord avec moi, mais le réalisme, dit-il l'aide pour certains thèmes nouveaux comme les intérieur-extérieurs.
On le voit, Ostoya est toujours en mouvement et dans son travail de sculpteur, où il est plus naturellement abstrait, ses idées sur la mobilité ont trouvé une voie originale : ses bois articulés sont là, eux aussi, pour faire bouger le spectateur.
On peut manipuler, déformer et reformer à son gré, l'objet n'est pas inerte et posé sur un socle, il est sur une table en attente d'une action.
Jean Brissaud
Directeur de l'Office du Tourisme de Chamonix de 1968 à 1991
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